L’ÉVOLUTION DE NOTRE MAISON

ou la transformation d’une galerie en un lieu de rencontre et
d’échanges culturels où chacun s’enrichit de l’autre.


J’ai toujours été marqué et influencé par la générosité que mes parents ont eu, tout au long de leur carrière, vis à vis des collections nationales. Leur gentillesse et leur altruisme étaient certainement hérités de leur amour de la vie et de ce qu’elle leur a permis d’être.

Notamment grâce à Daniel Alcouffe, grand ami de mes parents, à l’époque directeur du département des Objets d’art du Musée du Louvre, ils ont offert à ce dernier plus d’une douzaine d’oeuvres majeures, ainsi qu’au Château de Versailles auquel ils ont également contribué à l’enrichissement des collections.

J’ai toujours eu envie de perpétuer cette tradition. Je suis convaincu de l’importance de cette culture, et nous avons – dès la création de la galerie – mis un point d’honneur, à conserver nos ateliers, afin d’assurer la transmission du savoir-faire unique qu’est l’artisanat français lié aux Arts Décoratifs.

À travers cette équipe, gravitant autour d’Étienne Merlette, véritable pilier de notre maison et formidable conseil quant à la qualité et l’authenticité des pièces que nous envisageons d’acquérir, nous sommes à même de proposer à nos clients un travail non-intrusif de restauration et une étude approfondie des objets que nous présentons.

J’ai, de plus, souhaité- et ce grâce à l’expérience et aux connaissances des femmes et des hommes de notre équipe du 6 rue Royale oeuvrant autour de Maïmouna Traoré – faire de chaque visite un moment d’enrichissement et d’échanges pour tous.
Un lieu où chacun peut bénéficier de l’expérience de l’autre et où tous peuvent partager cet amour des arts décoratifs – décrits assez grossièrement, comme juste « classiques » – de manière approfondie… Un lieu basé sur l’idée ancienne du “salon” au sein duquel conservateurs, historiens de l’art et collectionneurs passionnés comme nous, peuvent échanger et vivre des moments de plaisir.

Dans ce lieu même où François-René de Chateaubriand rendait visite à Mme de Staël :

« Un matin j’étais allé chez elle rue Royale; les volets des fenêtres étaient aux deux tiers fermés; le lit, rapproché du mur du fond de la chambre, ne laissait qu’une ruelle à gauche; les rideaux, retirés sur les tringles, formaient deux colonnes au chevet. Madame de Staël, à demi assise, était soutenue par des oreillers. »

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, livre vingt-neuvième, chapitre 22.

On ne vient plus simplement chez nous pour acquérir tel ou tel objet mais pour découvrir, partager, apprécier et aussi apprendre ensemble…



L’année 2024 a été pour nous l’occasion d’aider significativement à la publication de trois livres consacrés aux arts décoratifs,
qui m’ont semblé des apports importants à notre métier.



J’ai été immédiatement conquis par la pertinence du travail et des recherches eff ectuées par Miriam Schefzyk pour son ouvrage Martin Carlin et les ébénistes allemands. La justesse de l’iconographie y est d’un tel apport, pour une meilleure compréhension de l’oeuvre de Martin Carlin, qu’il m’a semblé évident qu’il fallait aider à financer l’édition française de ce travail.

Nous avons également eu l’honneur de contribuer à la publication tant attendue du livre consacré aux bronzes dorés conservés au sein de l’hôtel particulier des Camondo légué par ces derniers avec son contenu au musée des Arts décoratifs. Cette famille, au destin tragique, demeure mythique à travers sa générosité et leur nom reste une référence pour tous les passionnés. Cela a été un grand plaisir de travailler avec l’équipe du musée des Arts décoratifs, cet autre lieu emblématique.

Au sujet du catalogue de l’exposition consacrée à André Charles Boulle – plus que l’aide même au financement de sa publication – notre Maison a également participé à un mécénat permettant aux commissaires de l’exposition de rendre possible la venue d’oeuvres importantes de musées étrangers, notamment du Victoria & Albert Museum, pour mieux comprendre l’OEuvre de cet artiste majeur, qui près de 300 ans après sa disparition, contribue encore au rayonnement de la France dans le monde; catalogue dans lequel deux des notices ont été rédigées par David Langeois, directeur du département des recherches au sein de notre Maison.

Nous avons accepté ce mécénat, immédiatement conquis par le sérieux et l’enthousiasme des commissaires de cette exposition importante, la première consacrée en France à cet artiste !

Je remercie encore M. Mathieu Deldicque, directeur du musée Condé, ainsi que MM. Sébastien Evain et William Iselin, pour la réalisation de cette exposition.
L’excellence du travail de David Langeois, qui depuis vingt-cinq ans dirige le travail de recherche au sein de notre Maison, nous a permis la redécouverte d’une paire de vases majeurs, réalisés à Sarreguemines, faisant partie de la La Grande Commande décidée par l’Empereur en 1810 pour soutenir les manufactures nationales. Ces vases livrés en 1812 faisaient partie de l’ameublement de l’ambassade de France à Rome et ont disparu après que le duc de Blacas (1771-1839) les ait emportés meubler l’ambassade de France à Naples sous Charles X.

C’est bien le travail d’investigation de notre équipe, qui a permis la reconstitution de l’historique de ces vases. C’est en effet notre publication de 2022, qui a permis, sans aucun doute, à l’équipe du Mobilier national de se rendre compte de l’existence de ces vases, pourtant présentés en vente publique à Paris.
Notre action concernant ces vases s’est étendue à l’ensemble de nos équipes, puisque endommagés et même cassés, ils ont été rendus à leur état d’origine grâce au savoir-faire de nos ateliers. Tous ces investissements nous ont donc permis cette contribution supplémentaire au patrimoine national.

Je tiens ici à remercier l’élégance et l’honnêteté de la Maison de vente Christie’s, représentée par M. Guillaume Cerutti son directeur à l’époque.

L’année 2024 a également été pour nous l’occasion de redécouvrir un objet majeur, dû à l’orfèvre et bronzier de génie romain, Luigi Valadier. Cette oeuvre identifiée par nos équipes, n’était connue jusqu’à ce jour que par la gravure qui en subsistait.

Elle manquait à un groupe d’objets réalisés par l’artiste et conservés au sein du musée du Louvre, qui ont fait l’objet d’une exposition et publication par le musée en 1994.
Ce Monument à Pie VI, décrit dans les inventaires du musée en 1801, avait alors disparu et était considéré comme perdu ! Il est réapparu en vente publique en France en 2024 où nous l’avons repéré et identifié.

Nous sommes heureux et fiers de l’offrir au musée en mémoire de mes parents, et de le voir ainsi retrouver sa place au sein des collections nationales.
Nous avons également décidé cette année de mettre notre expérience au service de la restitution, à son état d’origine, d’un meuble cher au coeur de mes parents et au mien aussi.

Il représente toute l’élégance, le charme et la poésie qui émanent des créations des meilleurs ébénistes du XVIIIe siècle. Ce meuble, oeuvre de Joseph Baumhauer, appartient aux collections de l’Institut de France, et est exposé aux sein de la Villa Ephrussi de Rothschild.

Son état est aujourd’hui très préoccupant et nous avons décidé d’en financer et d’en superviser la restauration, exécutée au sein de nos ateliers et de ceux de Tristan Desforges et Anne Jacquin. Nous serons heureux ici, au-delà du simple financement de cette restauration, de faire bénéficier l’Institut de l’expérience de nos équipes- par l’intermédiaire de sa conservatrice Mme Orianne Beaufils dont l’engagement nous a conquis. Cette restauration n’en est qu’à son début et chacun d’entre vous qui le souhaiterait est le bienvenu pour se joindre à cette belle aventure.
Voici quelques exemples de ce qui me rend heureux aujourd’hui et que j’ai eu envie de partager avec vous. J’espère avoir réussi à vous communiquer un peu de ma passion et de la chance que j’estime avoir, d’apprendre tous les jours entouré de chefs-d’oeuvre et de personnes exceptionnelles.

Tout cela n’aurait cependant pas de saveur à mes yeux sans pouvoir y associer mon épouse et partenaire Marina, ainsi que nos merveilleux enfants et Alec.

Benjamin Steinitz.