TABLE « CHIFFONNIÈRE » OU « À OUVRAGE »

PROVENANT DE LA COLLECTION DU COMTE PATRICE DE VOGÜÉ, AU CHÂTEAU DE VAUX-LE-VICOMTE

Paris, époque Louis XVI, vers 1775.
JEAN-HENRI RIESENER (1734-1806, MAÎTRE EN 1768, FOURNISSEUR DU GARDE-MEUBLE DE LA COURONNE DE 1774 À 1785)

Bâti de chêne de Hongrie ; placage en bois de rose, amarante, loupe d’érable, marqueterie de bois clair et teinté sur fond de sycomore ; marqueterie de bois polychromes, bronze doré ; cuir ; glace.

Estampillée à trois reprises : J.H. RIESENER.

H. 77.5 cm. (30 ½ in.) ; L. 51 cm. (20 in.); Pr. 40 cm. (15 ¾ in.).

PROVENANCE : collection du comte Patrice de Vogüé (1928-2020) au château de Vaux-le-Vicomte, à proximité de Maincy (Seine-et-Marne) ; vente Christie’s à Monaco, le 17 juin 2000, lot n° 363 (adjugée 4.877.500 francs).

BIBLIOGRAPHIE : David Linley, Charles Cator, et Helen Chislett, Meubles d’exception, Paris, 2010, p. 152, repr.

BIBLIOGRAPHIE COMPARATIVE : 18e aux sources du design, catalogue de l’exposition présentée au château de Versailles du 28 octobre 2014 au 22 février 2015, Dijon, 2014, p. 242-243, cat n° 75 (notice de Marc-André Paulin).

Datée vers 1775, cette table « chiffonnière » ou « à ouvrage », provenant de la collection du comte Patrice de Vogüé (1928-2020) au château de Vaux-le-Vicomte, à proximité de Maincy (Seine-et-Marne), est le seul exemplaire répertorié de ce modèle portant à trois reprises l’estampille de Jean-Henri Riesener (1734-1806, maître en 1768, fournisseur du Garde-Meuble de la Couronne de 1774 à 1785). On connaît une autre table de ce modèle, mais non estampillée, ayant successivement appartenu aux collections de Bernard Steinitz, puis de Nicolas Cattelain, qui a été présentée au château de Versailles en 2014-2015, formant le lot n° 75 de l’exposition 18e aux sources du design. A ces deux tables, il convient également d’ajouter celle, plus tardive – datée vers 1780-1784 – intégralement plaquée en acajou, provenant de la collection de Richard Seymour-Conway (1800-1870), 4e marquis d’Hertford, aujourd’hui conservée au sein de la Wallace Collection, à Londres.

Né en 1734 à Gladbeck en Westphalie (Allemagne), Riesener était le fils d’un menuisier en sièges. Nous ne connaissons pas l’année exacte de son arrivée à Paris, peut-être vers 1754. Il fit son apprentissage auprès de Jean-François Oeben, établi à l’Arsenal, et devint rapidement l’un de ses principaux ouvriers. A la mort de ce dernier en janvier 1763, Riesener reprit la direction de l’atelier pour le compte de sa veuve, et cela jusqu’à son accession à la maîtrise enregistrée en 1768. Pendant cinq ans, des meubles estampillés J.F. OEBEN furent donc en réalité exécutés – ou du moins achevés lorsque les bâtis existaient déjà – sous la direction de Riesener.

En 1767, il épousa la veuve d’Oeben et reprit le logement et l’atelier de ce dernier à l’Arsenal – enclos privilégié à l’abri des règlements contraignants de la corporation des menuisiers et ébénistes. Il y exerça pendant plus de trente ans, jusqu’en 1798. Riesener connut dès lors une ascension fulgurante. Le 5 février 1771, il effectua une première livraison au Garde-Meuble de la Couronne, sous la forme d’un bureau mécanique dont il s’était fait une spécialité. En juin 1774, Gilles Joubert, alors âgé de quatre-vingt-cinq ans, lui céda par contrat son titre d’ébéniste du Roi.

Les dix années qui suivirent constituèrent pour Riesener son apogée : entre 1774 et 1784, il livra pour un total de 938.000 livres de meubles au Garde-Meuble de la Couronne !!!

L’arrivée en 1784 de Thierry de Ville d’Avray à la tête du Garde-Meuble de la Couronne sonna le déclin de l’ébéniste. Quelques années plus tard, la Révolution, avec la disparition de la clientèle de luxe, entraîna sa ruine. Riesener mourut sous l’Empire, en 1806.

Riesener fut l’un des rares ébénistes à s’être fait portraiturer au Siècle des Lumières. Son portrait peint par Antoine Vestier vers 1785, est aujourd’hui conservé dans les collections du château de Versailles. On le voit tenant en main un crayon, affichant ainsi une volonté très nette de se hisser au statut d’artiste concepteur de meubles, plutôt qu’à celui de simple artisan.

Ill. 1 – Jean-Henri Riesener (1734-1806), Table similaire mais non estampillée, Paris, vers 1775. Anciennes collections de Bernard Steinitz, puis de Nicolas Cattelain. Reproduite dans le catalogue de l’exposition 18e aux sources du design, présentée au château de Versailles du 28 octobre 2014 au 22 février 2015, Dijon, 2014, p. 242-243, cat n° 75 (notice de Marc-André Paulin).

Ill. 2 – Vue du plateau de la table exposée au château de Versailles en 2014-2015.



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